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31/03/2024

HAI DANG
La guerre contre Gaza vue du Vietnam
De la fraternité d’armes à la fascination pour la “nation start-up” israélienne

Hai Dang, Aljazeera, 30/3/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Le Vietnam connaît un rare activisme politique en faveur des Palestiniens alors que la guerre de Gaza rappelle la solidarité autrefois partagée dans la lutte pour la libération nationale.

Le président palestinien Yasser Arafat inspecte une garde d’honneur avec le président vietnamien Tran Duc Luong à Hanoi en avril 1999. Photo AFP


Hanoi, Vietnam - Dans un lieu privé niché dans une ruelle étroite du centre-ville de Hanoi, un groupe de plus de 20 personnes a écouté attentivement Saleem Hammad, un Palestinien charismatique de 30 ans, qui s’exprimait dans un vietnamien courant.

Hammad, qui dirige une entreprise au Viêt Nam, a raconté un incident survenu dans son enfance à Jénine, en Cisjordanie occupée.

Les personnes présentes l’ont écouté raconter le souvenir saisissant d’une nuit où il a été réveillé par des soldats israéliens qui encerclaient la maison familiale et y faisaient une descente.

Auparavant, il avait déclaré aux participants à la discussion que l’histoire de la lutte de libération du Viêt Nam contre les USA avait inspiré les Palestiniens dans leur lutte contre l’occupation de leurs terres par Israël.

«Le peuple vietnamien, avec son histoire douloureuse et glorieuse, a toujours été une source d’inspiration pour les Palestiniens dans leur lutte pour la justice », a dit Hammad à son auditoire.

« Nous vous considérons toujours comme un modèle ».

Horrifiés par la guerre d’Israël contre Gaza et le nombre croissant de victimes, les jeunes Vietnamiens ont commencé à élever la voix pour soutenir les Palestiniens. Ce faisant, ils découvrent les liens historiques entre le Viêt Nam et la Palestine et leurs luttes communes pour la libération nationale.


VICTOIRE
Vietnam-Palestine
OLP
Ismail Shammout, 1972

Mais les relations entre les deux nations, vieilles de plusieurs décennies, ont été éclipsées par la promotion plus récente de la culture d’entreprise israélienne auprès d’une jeune génération de Vietnamiens.

Soucieux de réussir dans l’économie de marché vietnamienne en pleine expansion, beaucoup ont été inspirés par la culture d’entreprise israélienne, tout en ne sachant pas grand-chose de la face cachée du succès d’Israël, à savoir sa longue occupation des terres palestiniennes.

Organisé à la fin de l’année dernière par les militants pro-palestiniens Trinh* et Vuong*, le rassemblement au cours duquel Hammad s’est exprimé a été inspiré par l’activisme étudiant que les deux hommes ont rencontré lorsqu’ils étudiaient aux USA.

Trinh et Vuong font partie d’un mouvement populaire en plein essor parmi la jeunesse vietnamienne qui a été attirée par la cause palestinienne depuis le début de la guerre contre Gaza en octobre.

Mais les politiques vietnamiennes strictes contre les assemblées publiques et l’activisme politique signifient que les militants pro-palestiniens doivent trouver des moyens discrets et créatifs d’organiser des événements sans attirer l’attention indésirable des autorités vietnamiennes.

À Ho Chi Minh Ville, Trinh et quelques amis ont organisé des discussions sur la Palestine et des cours de dessin sur le thème de la Palestine. Dessinateur de formation, Trinh a également travaillé avec d’autres créatifs pour concevoir des produits dérivés en faveur de la Palestine, des œuvres d’art politiques et des fanzines.

Des jeunes vietnamiens créent des œuvres d’art pour soutenir la Palestine. Photo Cat Nguyen/ Tu Ly

En novembre, une projection de documentaires et de films sur la Palestine, la Nakba et l’histoire de l’occupation israélienne de la Palestine a eu lieu sous le titre Films pour la libération : Palestine Forever dans le but, selon les organisateurs, d’annuler « les descriptions diaboliques des Palestiniens » par les acteurs « occidentaux et impérialistes ».

Sur les réseaux sociaux, une multitude de pages de fans en vietnamien ont vu le jour, présentant des poèmes palestiniens traduits, des œuvres d’art pro-palestiniennes et des analyses sur l’histoire du conflit, tandis que l’ambassade de Palestine au Vietnam a invité d’anciens vétérans de la guerre contre les USA, des universitaires, des activistes et des membres du public à une commémoration pour ceux qui ont été tués à Gaza.

Le 29 novembre, qui est la Journée internationale de solidarité avec le peuple palestinien désignée par les Nations Unies, le gouvernement vietnamien a également publié un message du président de l’époque, Vo Van Thuong, dans lequel il parlait de la longue histoire de fraternité entre le Vietnam et la Palestine et du « soutien fort et de la solidarité du Vietnam avec les Palestiniens dans leur lutte pour la justice" »

Mais les relations entre le Vietnam et la Palestine ne sont plus ce qu’elles étaient.

Rue Kham Thien, Hanoï après le passage des B-52, 26 décembre 1972

Chaque jour à Gaza, il y a un nouveau Kham Thien

La destruction de Gaza par Israël rappelle aux Vietnamiens la campagne de bombardement américaine visant le quartier de Kham Thien à Hanoi en 1972.

Lors d’une réunion de militants vietnamiens pro-palestiniens, deux images de guerre ont été projetées sur le mur : l’une de Gaza en 2023 après une attaque aérienne israélienne et l’autre des décombres laissés par le bombardement du quartier de Kham Thien à Hanoï il y a plus de 50 ans.

En 1972, Richard Nixon, alors président des USA, avait ordonné le bombardement de la capitale nord-vietnamienne pendant la période de Noël, et c’est le quartier de Kham Thien qui a été le plus gravement dévasté. Pendant 12 jours et nuits consécutifs à partir du 18 décembre, environ 20 000 tonnes de bombes ont été larguées sur Hanoi, ainsi que sur la ville portuaire très fréquentée de Hai Phong et sur plusieurs autres localités.



Tract français de 1967 sur la visite de Moshe Dayan au Sud-Vietnam en août 1966

 La juxtaposition des deux images et les échos historiques des deux guerres - qu’il s’agisse de « raser Gaza » ou de « bombarder le Nord-Vietnam jusqu’à l’âge de pierre » - font partie d’un réservoir de symboles partagés qui ont alimenté l’ambiance actuelle de solidarité Vietnam-Palestine parmi les jeunes Vietnamiens.

L’histoire se répète, dit Hung*, un étudiant de 20 ans dont le père et les grands-parents ont vécu les bombardements de Noël 1972 par les forces usaméricaines.

« En regardant ce qui se passe à Gaza, je n’ai pas pu m’empêcher de penser à l’histoire que mon père m’a racontée, celle d’un jour de son enfance où il a assisté avec horreur au largage de bombes près du lac de l’Ouest [de Hanoï] et où, peu après, il a senti un coup de vent souffler dans sa direction et l’onde de choc presser sa poitrine », raconte Hung à Al Jazeera.

« Aujourd’hui, c’est précisément ce qui arrive à tout le monde à Gaza, jour après jour. Chaque jour à Gaza, il y a un autre Kham Thien », ajoute-t-il.

Dans les réunions pro-palestiniennes à travers le pays, des liens similaires entre la guerre d’Israël contre Gaza et la guerre USA contre le Viêt Nam sont établis et les analogies du temps de guerre sont utilisées par de jeunes militants pour présenter la cause palestinienne à de nouveaux publics.

Des images d’une combattante vietnamienne des années de guerre portant un foulard traditionnel “ran” et se tenant aux côtés d’une combattante palestinienne vêtue d’un keffieh sont imprimées sur des tote-bags et des autocollants. Les combattantes tiennent une clé de porte en l’air, symbolisant les maisons que les Palestiniens ont perdues en 1948 lors de leur déplacement forcé par les forces israéliennes au cours de la période connue sous le nom de Nakba, ou "catastrophe", au cours de laquelle au moins 750 000 Palestiniens ont été violemment déplacés et dépossédés.

Une œuvre d’art pro-palestinienne exposée à Hanoi représente une combattante de la lutte de libération nationale vietnamienne et une combattante palestinienne au-dessus des mots en arabe et en vietnamien : « Du fleuve à la mer ». Photo Cat Nguyen

Par l’art, la discussion et d’autres moyens d’expression, les militants pro-palestiniens au Viêt Nam aident leurs pairs à comprendre des concepts tels que le sionisme, la Nakba, les accords d’Oslo et le colonialisme de peuplement.

Et pas à pas, ils réaffirment le contexte et l’histoire de la perte et de l’enlèvement des Palestiniens que les récits au Vietnam dans les médias locaux et les livres omettent dans leur récit de l’émergence d’Israël en tant que succès économique.

Phuong, une peintre vietnamienne basée en Italie qui a lancé la page fan en ligne « Poèmes palestiniens », a déclaré qu’elle avait été profondément bouleversée par ce qui s’est passé depuis octobre dans la bande de Gaza.

Elle a expliqué qu’elle s’était tournée vers la traduction de poèmes comme moyen de protester et de canaliser son chagrin face à la guerre dans la bande de Gaza. À ce jour, elle a traduit de l’anglais au vietnamien plus de 50 poèmes d’auteurs palestiniens tels que Mahmoud Darwich, Fadwa Tuqan et Ghassan Zaqtan.

Phuong espère pouvoir aider ses lecteurs à apprécier l’humanisme universel de la culture et de la société palestiniennes, tel qu’il se reflète dans les poèmes de Darwish et d’autres auteurs.

« Les Palestiniens ne sont pas seulement des victimes de la guerre », a déclaré Phuong. « Ils sont aussi un peuple au patrimoine riche et magnifique, avec des philosophies et des arts sophistiqués. Les Vietnamiens doivent le savoi »r.

Nguyen Binh est un autre jeune traducteur qui s’est fait connaître pour ses traductions d’œuvres vietnamiennes, comme la traduction en anglais du classique Conte de Kieu.

Binh travaille actuellement à la traduction en vietnamien du livre de Rashid Khalidi, The Hundred Years’ War on Palestine [inédit en français], afin d’ «élever la voix de ceux que l’on n’entend pas » et de combler le manque de compréhension des questions palestiniennes par les Vietnamiens.

Vendre l’image de “startup” d’Israël

L’édition vietnamienne de Start-Up Nation : The Story of Israel’s Economic Miracle [Israël, la nation start-up, Maxima 2014] présente une image flatteuse de la réussite des entreprises israéliennes

Le Hong Hiep, chercheur et coordinateur du programme d’études sur le Vietnam à l’Institut ISEAS-Yusof Ishak de Singapour, a décrit le soutien du Vietnam au peuple palestinien et à sa lutte pour la libération comme « inébranlable » pendant la guerre froide et dans les années 1990.

« Cela s’explique en partie par le fait que les dirigeants vietnamiens étaient convaincus que la cause palestinienne reflétait leur propre lutte pour l’unification et l’indépendance contre les puissances étrangères », dit M. Hiep à Al Jazeera.

L’Organisation de libération de la Palestine (OLP) a établi des relations avec le Nord-Vietnam en 1968 et a mis en place un bureau de représentation résident après la fin de la guerre au Viêt Nam en 1975. Ce bureau est rapidement devenu l’ambassade de Palestine au Viêt Nam.

« Dans les années 1990, le Viêt Nam a également accueilli des dirigeants palestiniens, dont Yasser Arafat, à de nombreuses occasions. La position officielle du Viêt Nam sur le conflit israélo-palestinien a toujours été en faveur de l’autodétermination palestinienne et de la création d’un État palestinien », dit M. Hiep.

Du côté palestinien, ces liens d’ amitié ont été résumés par Darwich en 1973, alors que la guerre au Vietnam entrait dans sa phase finale avec la signature des accords de paix de Paris en 1973, qui mettaient fin aux combats militaires directs des USA dans le pays.

« Dans la conscience des peuples du monde, le flambeau a été transmis du Viêt Nam à nous », a déclaré le poète.

Mais les temps ont changé.

Il en va de même pour le souvenir de la solidarité du Viêt Nam avec la Palestine.

Les militants pro-palestiniens interrogés par Al Jazeera ont déclaré qu’ils avaient eu du mal à persuader leurs parents que la cause palestinienne était juste.

Hung raconte que ses parents ont d’abord réagi à la guerre contre Gaza en blâmant « ces terroristes» qui l’avaient "commencée les premiers ».

« J’ai dû moi-même passer du temps à leur expliquer l’histoire de la question, qui remonte à 1948. Ce n’est qu’après cela qu’ils ont changé d’avis », raconte Hung.

Saadi Salama, l’ambassadeur palestinien au Vietnam, a déclaré que les médias locaux avaient une grande part de responsabilité dans le manque de sensibilisation du public vietnamien aux événements en Palestine.

 

L’ambassadeur Saadi Salama prononce un discours à Hanoï lors d’un événement organisé en novembre pour commémorer les Palestiniens tués à Gaza. Photo Tu Ly

Ayant d’abord travaillé à la résidence de l’OLP à Hanoï en tant que secrétaire à l’information dans les années 1980, Salama a des décennies d’expérience au Viêt Nam. Mais depuis une dizaine d’années, dit-il, les informations sur la question palestinienne sont beaucoup moins fréquentes dans les médias locaux. Ce qui apparaît est présenté de manière superficielle.

« La plupart des gens n’ont qu’une vague idée de ce qui se passe réellement à Gaza et en Cisjordanie », dit M. Salama à Al Jazeera, expliquant que les journalistes locaux manquent souvent d’expertise sur les questions relatives à la Palestine et au Moyen-Orient.

« Par conséquent, ils hésitent à rédiger des analyses approfondies sur le sujet, optant plutôt pour un copier-coller non critique de sources occidentales sans fournir de contexte aux lecteurs », ajoute-t-il.

Il y a de rares exceptions, admet Salama, mais pas assez pour faire la différence avec une impression généralement négative de la Palestine à un moment où il y a une impression positive d’Israël au Viêt Nam.

Pour les Vietnamiens, Israël est aujourd’hui le symbole du développement, une « startup nation », explique M. Salama.

« Ils ne voient pas les dessous d’Israël ».

Dinh Le, un marché aux livres bien connu du centre de Hanoï, se trouve à quelques pas du lieu où Hammad a parlé de la Palestine et de son enfance.

S’il est difficile pour un visiteur de trouver ici des livres sur la Palestine, il ne manque pas d’exemplaires en langue vietnamienne de Start-Up Nation : The Story of Israel’s Economic Miracle, un livre publié en 2009 par Dan Senor et Saul Singer.

Republié par AlphaBooks, qui est surtout connu au Viêt Nam pour ses ouvrages sur les affaires et la science populaire, Start-Up Nation est devenu un best-seller au Viêt Nam.

Selon les chiffres disponibles sur le site du ministère vietnamien de l’information et de la communication, le livre a fait l’objet de plus d’une douzaine de réimpressions et a été publié à plus de 2 millions d’exemplaires.

Selon le ministère, plus d’un million d’exemplaires de Start-Up Nation ont été commandés pour être distribués par l’un des principaux entrepreneurs vietnamiens, qui dirige un projet de distribution gratuite de livres d’inspiration dans des domaines tels que les affaires, la science et la philosophie.

Certains considèrent que la popularité du livre au Viêt Nam est liée à l’image flatteuse d’Israël auprès du public et à la description souvent positive d’Israël dans les médias vietnamiens.

L’attrait populaire d’Israël coïncide également avec un moment critique de l’histoire moderne du Viêt Nam, selon les experts.

Depuis la fin des années 1980, le Viêt Nam a mené des réformes économiques, connues sous le nom de Doi Moi, qui ont vu le pays adopter un développement axé sur le marché libre et la promotion de l’esprit d’entreprise.

Dans le même temps, la politique étrangère du Viêt Nam a donné la priorité aux intérêts nationaux et à l’indépendance plutôt qu’à ce qui aurait été décrit comme une « pureté idéologique » à l’époque révolutionnaire.

Bien qu’officiellement appelé République socialiste du Viêt Nam, le pays accueille depuis longtemps des capitaux étrangers et s’est efforcé de normaliser ses relations, principalement sur la base de la coopération économique, avec des pays et des blocs autrefois considérés comme ennemis.


Le président usaméricain Joe Biden porte un toast avec le président vietnamien Vo Van Thuong à Hanoï, au Viêt Nam, le 11 septembre 2023, après que les deux pays, autrefois ennemis, ont porté leurs relations diplomatiques et commerciales à leur plus haut niveau. Photo Evelyn Hockstein/Reuters

 

L’approche politique du Viêt Nam, connue sous le nom de « diplomatie du bambou » en raison de sa flexibilité et de son pragmatisme, a permis au pays de forger un partenariat significatif avec Israël dans les « domaines de l’économie, de la technologie et de la sécurité », explique M. Hiep.

Et c’est probablement la crainte de mettre en péril les liens avec Israël qui explique pourquoi « le Vietnam a été plus hésitant à exprimer un soutien fort à la Palestine, même s’il conserve de la sympathie pour sa cause », ajoute-t-il.

Vietnam et Palestine : « Des luttes similaires »

« Plus j’en apprends sur l’histoire de la Palestine, plus je réalise à quel point nos luttes sont similaires », déclare l’activiste vietnamien Trinh.

Hoang Diep Anh, 7 ans, écrit un message de soutien lors d’une veillée pour les Palestiniens organisée à l’ambassade de Palestine à Hanoi le 4 novembre 2023 à Hanoi, Vietnam. Photo Chris Trinh/Getty Images

Depuis octobre, le Viêt Nam a dénoncé les atrocités commises contre les civils dans le cadre du conflit entre Israël et le Hamas.

Lors d’une conférence de presse peu après le début de la guerre, une porte-parole du ministère vietnamien des Affaires étrangères a déclaré que le Vietnam « condamne fermement les attaques violentes contre les civils, les travailleurs humanitaires, les journalistes et les infrastructures essentielles ».

Avant cela, lors d’une session d’urgence de l’Assemblée générale des Nations unies le 27 octobre, le Viêt Nam s’est joint à la majorité des États membres pour voter une résolution exigeant un cessez-le-feu humanitaire immédiat, la protection des civils, la libération inconditionnelle des captifs et l’accès de l’aide humanitaire.

Hanoi a toutefois veillé à ne pas mettre en péril ses relations avec Israël en nommant ouvertement ce pays dans ses critiques. Malgré cela, un ancien ambassadeur israélien au Viêt Nam a qualifié la position de Hanoi sur Gaza de « décevante » lors d’une interview.

Pour certains, ces gestes en faveur de la Palestine ne sont pas suffisants pour honorer les dettes historiques du Viêt Nam envers les Palestiniens et le soutien de l’OLP à Hanoï pendant la guerre froide.

Yasser Arafat, commandant du mouvement palestinien Al Fatah, reçoit un album sur la création de l’armée nord-vietnamienne avec une photo de Ho Chi Minh sur la couverture de la part du ministre de la Défense nord-vietnamien, le général Giap, lors de sa visite au Nord-Vietnam le 8 avril 1970. Photo RADIOPHOTO / AFP

 Vu Minh Hoang, historien diplomatique du Vietnam du XXe siècle et de l’Asie-Pacifique, a noté que l’OLP faisait partie de la petite minorité de groupes et de pays du Sud qui ont ouvertement pris la défense de leurs amis vietnamiens et condamné la Chine pour son invasion du Vietnam en 1979.

Selon M. Vu, cette décision a coûté à l’OLP l’aide et le soutien politique dont elle avait tant besoin de la part de la Chine. L’OLP avait entretenu des relations amicales avec la Chine pendant 14 ans, jusqu’à ce qu’elle prenne parti pour le Viêt Nam à la suite de l’invasion chinoise de ce pays en 1979.

« L’OLP a courageusement défendu le Viêt Nam au moment où il en avait le plus besoin », a déclaré M. Vu, qui est actuellement basé à l’université de Columbia à New York, à Al Jazeera.

Bien que les déclarations et les votes vietnamiens aient soutenu la Palestine, Vu a déclaré que, dans l’ensemble, la position du Vietnam dans la pratique semble être plus « pro-israélienne ».

Pour comprendre pourquoi, il faut « suivre l’argent », a-t-il ajouté.


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05/02/2024

De New York à Gaza : actualité de Frantz Fanon
Une nouvelle biographie et des débats : Israël est-il un État colonial ?

La parution récente d’une nouvelle biographie de Frantz Fanon relance les débats sur la légitimité de la violence des opprimés et sur la nature de l’État d’Israël. Nous publions la traduction de quatre articles.

  •  Le monde a rattrapé Frantz Fanon, par Adam Shatz...p. 1
  •  Quand le médecin ordonnait la violence comme remède, par Jennifer Szalai…p. 6
  • Frantz Fanon aurait-il soutenu le massacre du 7 octobre ? Son biographe n’en est pas si sûr, par Etan Nechin…p.10
  • Qu’est-ce que le “colonialisme de peuplement” [settler colonialism] ?, par Jennifer Schuessler…p. 21

30/07/2023

FABIO MERONE
Mahdi Amel, le Gramsci arabe

Fabio Merone, OrientXXI, 29/7/2023
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Fabio Merone, docteur en Sciences politiques de l’université de Gand (Belgique), est chercheur associé au Centre interdisciplinaire de recherche sur l’Afrique et le Moyen-Orient de l’université Laval (Québec, Canada). Il travaille sur l’islamisme et le salafisme dans le monde arabe contemporain. Avec F. Cavatorta, il a édité Salafism after the Arab Awakening: Contending with People’s Power (Hurst, 2017). Bibliographie

Près de quarante ans après sa mort, Hassan Abdallah Hamdan (1936-1987), plus connu sous son nom de guerre Mahdi Amel, reste une référence politique et intellectuelle pour la gauche libanaise et arabe.

“Lisez Mahdi Amel”, Beyrouth 2019

Hassan Abdallah Hamdan (1936-1987), plus connu sous le nom de guerre de Mahdi Amel, était un communiste libanais original qui a été surnommé le “Gramsci arabe”1. Comme le marxiste italien, Amel a tenté de “nationaliser” le communisme en appliquant les catégories critiques du marxisme au contexte national2 et en élaborant sur cette base un projet politique et culturel pour l’émancipation des masses. Il a été assassiné par des milices islamistes chiites en 1987. Bien que son projet politique ait été partiellement dépassé par les accords de Taëf de 1989 (qui ont mis fin à la guerre civile libanaise), il reste le témoignage d’un intellectuel militant et critique qui a consacré sa vie à lutter contre le système confessionnel libanais et à poursuivre un véritable projet de libération nationale. C’est aussi pourquoi, récemment, il est devenu l’un des symboles des jeunes générations de Libanais qui sont descendus dans la rue en 2017 et 2019 pour renverser l’“État confessionnel”, ainsi que de tous les Arabes qui ont cherché une voie originale vers le communisme.

Le contexte historique et l’expérience de vie d’un intellectuel militant

Le projet culturel et politique de Mahdi Amel peut être placé dans le contexte plus général de l’émancipation nationale des intellectuels et des forces politico-culturelles du Sud, qui se sont engagés dans la construction de nouvelles sociétés post-coloniales libérées de la dépendance vis-à-vis du centre capitaliste et de l’hégémonie culturelle occidentale. On peut relier Amel à la pensée et au parcours politique de Frantz Fanon, qu’il a rencontré en Algérie et dont il était un admirateur ; à l’intellectuel indien Ranajit Guha, qui, depuis l’Inde, a introduit Antonio Gramsci dans les études postcoloniales par le biais de ce que l’on appelle les “études subalternes” ; ou, enfin, à Ali Shariati, l’intellectuel iranien qui a tenté de fusionner le marxisme avec la théologie chiite de la libération.

La caractéristique commune de ces auteurs et de leur projet était qu’ils voulaient amener la collectivité nationale nouvellement indépendante à un niveau plus élevé de conscience de soi afin de parvenir à une véritable émancipation culturelle, politique et économique. En termes plus proprement marxistes, Amel était intellectuellement un enfant de ce que l’on appelle la “théorie de la dépendance”, la construction théorique fondamentale sur laquelle raisonnaient les marxistes arabes et du Sud. Selon cette théorie, le colonialisme avait unifié le monde dans des relations d’interdépendance, sur la base desquelles le centre capitaliste dominait et assujettissait la périphérie. Le système économique des colonies avait été construit de telle sorte que ces pays, une fois intégrés dans le commerce international, étaient dépendants des centres financiers et économiques occidentaux, dont les bourgeoisies locales étaient des sous-produits. Ces dernières, en particulier, étaient “cosmopolites” (au sens gramscien de “non-nationales”), économiquement dépendantes et culturellement subordonnées.

De ce point de vue, tant Fanon et Guha que Shariati avaient appelé à une construction nationale basée sur une révolution culturelle qui revendiquait la subjectivité nationale contre l’idéologie coloniale. Amel appartenait à ce type de courant politico-culturel, mais il savait aussi s’en distinguer. Communiste militant dès ses années universitaires à Lyon, il profite du climat culturel fervent des années 1950 et 1960. Il se passionne pour l’historicisme gramscien 3 et utilisera plus tard des concepts tels que “bloc historique”, “idéologie” et “hégémonie” 4. Il est également influencé par le débat suscité en France et dans le monde communiste par les révélations de Khrouchtchev au 20e congrès du PCUS (1956), qui donnent lieu à une vive controverse entre ceux qui veulent réformer le marxisme dans une optique humaniste (le marxisme dit occidental) et ceux qui veulent le réhabiliter dans une optique révolutionnaire.

Amel a donc vécu dans un climat culturel influencé par Gramsci, Poulantzas et Althusser, dans lequel le “Sud” a été porté à l’attention des mouvements gauchistes. D’un point de vue théorique marxiste, cela s’est traduit par une tentative de reconceptualisation de la catégorie de “mode de production”, en l’adaptant aux contextes coloniaux et post-coloniaux, un concept sur lequel Amel a travaillé en particulier dans les années 70 5.

Après avoir passé une importante période de formation en Algérie (1963-68) 6 , Amel s’est immergé dans la réalité libanaise. De retour dans son pays natal, il rejoint le Parti communiste libanais (PCL) et en devient un dirigeant et un idéologue important. Surtout, il commence à élaborer une pensée originale, conciliant activité théorique et militantisme pratique. Son épouse Evelyne Brun raconte qu’à cette époque, il était particulièrement impliqué dans le dialogue avec les planteurs de tabac de la région du Mont-Liban (où un mouvement de protestation était en cours dans les années 1970) et qu’il témoignait qu’ « être marxiste, c’est être une personne qui peut apporter des réponses aux problèmes de la vie de tous les jours » 7. Il a notamment été un bâtisseur actif de cellules syndicales et populaires au Sud-Liban, où vit encore aujourd’hui la partie la plus marginalisée de la population libanaise. C’est à cette époque qu’il commence à être connu sous le nom de Mahdi Amel, nom qu’il choisit comme pseudonyme pour les articles qu’il écrit dans l’organe du parti, al-Tarīq (la route/le chemin).

Il est important de comprendre cette période de son militantisme et de celui du parti communiste libanais, qui se percevait comme un parti révolutionnaire d’avant-garde des masses de travailleurs et de subalternes. Ceux-ci tentaient en fait de réaliser la bataille politique pour l’émancipation nationale par le biais du militantisme au sein de la population. Les communistes se sont également identifiés à la question palestinienne et se sont proposés comme l’avant-garde de la résistance armée contre l’occupation militaire israélienne dans le sud du pays (1978-82), et le point de jonction du front politique des forces de gauche et démocratiques contre les droites confessionnelles et fascistes soutenues par les pays occidentaux et alliées d’Israël.

Il est évident que le parcours intellectuel et la vie politique d’Amel ont été marqués par la guerre civile libanaise (1975-1990), qu’il a perçue comme une occasion de réaliser son projet national de libération du pays du système confessionnel. Mais cette période est aussi marquée par l’émergence de l’islamisme chiite (Amal et Hezbollah), qui évince les communistes du Sud-Liban et se substitue à eux comme force de résistance. Mahdi Amel avait reconnu un potentiel révolutionnaire dans la communauté chiite libanaise, mais n’avait pas prévu la montée de l’islamisme en tant que force révolutionnaire alternative, probablement mieux adaptée que les communistes pour jouer ce rôle. Il a été assassiné par des miliciens chiites, mettant fin à la vie d’un intellectuel militant passionné et à l’expérience du parti communiste libanais en tant que force politique exerçant une certaine influence.

L’État confessionnel et l’idéologie de la bourgeoisie libanaise

La pensée de Mahdi Amel se caractérise par une réflexion sur la réalité politique du Liban et du monde arabe. En particulier sur l’État, son appareil idéologico-hégémonique et le mode de production socio-économique. Mahdi Amel est en effet célèbre pour les deux principales catégories analytiques que sont le “mode de production colonial” et l’“État confessionnel”

Il a annoncé son projet dès ses premières années libanaises, dans l’essai Colonialism and Backwardness (1968) : « Si nous voulons une pensée marxiste adaptée à notre réalité et capable d’avoir une perspective scientifique, nous ne devons pas appliquer cette pensée de manière abstraite, mais plutôt avoir comme point de départ la spécificité même de notre réalité » 8. Il analyse ensuite le processus historique de formation de la bourgeoisie coloniale dans son livre Prolégomènes, dans lequel il pose les bases de sa réflexion théorique 9.

Amel a comparé les exemples historiques de l’Égypte et du Liban en particulier, soulignant comment la pénétration coloniale avait empêché le développement d’une bourgeoisie nationale, alors qu’une classe de propriétaires terriens proto-capitalistes s’était formée à la fin de la période ottomane. Au Liban, l’entrée dans le mode de production capitaliste a conduit au développement de la monoculture de la soie et à l’orientation de l’économie vers le marché international. Cela a empêché la formation d’une bourgeoisie basée sur l’artisanat local et a conduit au contraire au développement d’une classe bourgeoise coloniale. Contrairement à la bourgeoisie européenne, qui s’était initialement formée en tant que classe révolutionnaire (contre l’aristocratie foncière), la bourgeoisie libanaise était le résultat d’une relation de subordination économique et politique.

L’analyse d’Amel s’inscrit dans le débat qui divise alors les communistes arabes entre ceux qui voient dans la bourgeoisie nationale une force progressiste possible avec laquelle s’allier, et ceux qui n’y voient qu’un ennemi de classe à renverser car inéluctablement allié au capital international. L’analyse d’Amel se voulait plus complexe : en saisissant les deux aspects de la bourgeoisie - nationale et cosmopolite - il voulait démasquer son appareil idéologique. D’où la nécessité, dans sa construction théorique, d’une théorie de l’État, qu’il élabore dans Fī al-dawla al-ṭaifiyya (“De l’État confessionnel”), publié en 1986, un an avant sa mort.

La question de la bourgeoisie nationale - son origine confessionnelle et l’appareil idéologique qui justifie sa domination - a donc constitué l’étape décisive de son développement théorique. Il écrit : « C’est une erreur de dire que l’idéologie confessionnelle est l’idéologie de la classe dominante avant les rapports de production capitalistes, c’est-à-dire qu’il s’agit d’une idéologie religieuse ou d’une forme de celle-ci (...). C’est une erreur dans laquelle se trouvent également certains marxistes » 10. Amel voyait en effet dans le système confessionnel constitutionnel libanais un instrument idéologique moderne au service de la domination de la classe bourgeoise et capitaliste, qui se légitimait à travers lui. Ce système n’avait pas manqué d’être défendu et propagé par l’intellectuel maronite Michel Chiha, qu’Amel considérait comme l’idéologue de la bourgeoisie dominante et contre lequel il lançait ses flèches polémiques, à la manière d’Antonio Gramsci contre Benedetto Croce. Chiha voyait dans le système confessionnel libanais la garantie du modèle libéral et démocratique, dans lequel la citoyenneté se réalise dans l’appartenance communautaire.

Pour Amel, en revanche, il s’agit d’un “pacte confessionnel” entre les élites des différentes communautés qui se liguent les unes contre les autres au détriment de la classe ouvrière de chacune d’entre elles. Le confessionnalisme était aussi l’instrument de la domination d’une communauté particulière sur toutes les autres : la communauté maronite minoritaire et dominante contre les communautés musulmanes subordonnées (la communauté chiite surtout). L’“État confessionnel” était donc, aux yeux d’Amel, un projet idéologique fonctionnel aux intérêts politiques et économiques de la classe dirigeante maronite et des élites interconfessionnelles. Ce système était (et est toujours) basé sur la division du pouvoir au sein de l’État entre les différentes confessions et le contrôle politique et économique des différentes élites au sein de chacune d’entre elles.

Pour Amel, le véritable projet d’émancipation nationale ne pouvait donc passer que par la dissolution de ce système et le dépassement de la domination du capital international. Amel proposait également une plate-forme politique (partagée par le PCL) qui liait inextricablement la bataille politique nationale à la cause palestinienne. Pendant la guerre civile libanaise, en effet, les factions politiques maronites s’étaient alliées à Israël et aux puissances occidentales contre le front progressiste et les Palestiniens des camps de réfugiés. Mahdi Amel a enfin mis en lumière le phénomène de du squadrisme* phalangiste, en le comparant à l’analyse de Gramsci. Ce dernier avait vu dans le squadrisme fasciste un produit de la bourgeoisie capitaliste en crise d’hégémonie. Comme à l’époque du fascisme italien, l’hégémonie du pouvoir bourgeois confessionnel maronite, qui avait été fondée sur le confessionnalisme idéologique, semblait à Amel en crise de légitimité. Le Parti communiste et les forces progressistes du pays, réunies dans un “bloc historique”, devaient donc abattre le pouvoir de la bourgeoisie et le système confessionnel sur lequel il reposait.


La victoire des islamistes et la “revanche” de Mahdi Amel

Le Parti communiste libanais et Mahdi Amel ont fini par être victimes de la guerre civile, dont ils pensaient pouvoir exploiter les contradictions à leur avantage. Le PCL avait en effet formé un front de résistance contre l’occupation israélienne au Sud-Liban, avec un certain succès, mais il a ensuite été vaincu par les forces islamistes chiites émergentes. Amel et d’autres dirigeants communistes (dont l’intellectuel Hassan Muruwwa) ont été victimes d’une campagne d’élimination des dirigeants communistes menée par les “forces obscures” islamistes, probablement soutenues par la Syrie. Le chiisme politique s’est alors imposé comme une force populaire et a donné un coup d’arrêt définitif au mouvement communiste libanais.

Les accords de Taëf de 1989 ont finalement abouti à un résultat différent de celui préconisé par les révolutionnaires communistes : le système confessionnel, au lieu de disparaître, a été reconfirmé et renforcé. Le Hezbollah est devenu une force dirigeante et le chiisme politique a réussi à intégrer la communauté chiite dans le système politique confessionnel. Si cette solution a permis de sortir du conflit, la persistance de la crise dans le pays semble néanmoins avoir confirmé la thèse fondamentale de Mahdi Amel, celle d’un système confessionnel en crise permanente d’hégémonie.

Les protestations sociales et juvéniles qui ont éclaté dans le pays en 2017 et 2019 ont donc réévalué les théories d’Amel, qui a ainsi eu sa “revanche” politique post-mortem. En effet, non seulement les nouvelles générations révolutionnaires libanaises ont remis la question du dépassement du système confessionnel au centre de leur programme politique, mais elles ont aussi et surtout fait de la figure de l’intellectuel marxiste un symbole de leurs espoirs.

NdT

*« Squadrisme » [de squadra, équipe, escouade, brigade] est le terme par lequel on désigne les forces paramilitaires luttant par la violence contre les mouvements sociaux suscités par les socialistes et les communistes après la Première Guerre mondiale en Italie. Nées avant le fascisme italien, elles en sont devenues une forme de bras armé. Ces mouvements paramilitaires furent dirigés par les chefs locaux (les ras, du nom des chefs éthiopiens) des Faisceaux italiens de combat.

Notes de l’auteur

1.      Prashad, Vijay . The Arab Gramsci , 5 mars 2014

2.     Labib, Tahar (2017). “Gramsci nel pensiero arabo”. In : Manduchi Patrizia, Marchi Alessandra e Vacca Giuseppe (a cura di). Gramsci nel mondo arabo. Il Mulino. Bologna

3.     Sa thèse de doctorat était intitulée : Sujet et praxis. Essai sur la constitution de l’histoire.

4.    Safieddine, H. (2021). Mahdi Amel : On Colonialism, Sectarianism and Hegemony. Middle East Critique, 30(1), 41-56.

5.     Il convient de rappeler dans ce débat l’importante contribution du marxiste franco-égyptien Samir Amin qui, dans le sillage du maoïsme dominant, a revalorisé la périphérie en tant que site de la révolution mondiale.

6.    C’est à cette époque qu’il publie un premier article pour la revue Révolution Africaine, intitulé « La pensée révolutionnaire de Franz Fanon ».

7.     Mahdi Amel, “Al-Thaqafa wa al-thawra” (1ère partie). Accessible sur : https://www.youtube.com/watch?v=3euM6XRfmZQ&t=1311s   

8.    Cité dans "Dawn : Marxism and National Liberation" (p.20). Dossier no 37 | Tricontinental : Institut de recherche sociale, février 2021. La traduction italienne est de l’auteur de l’article.

9.    Amel, M. (2013) Muqaddimat Nazriyya Li-Dirasat Athar l-Fikr al-Ishtiraki Fi Harakat al-Taharrur al-Watani [Prolégomènes théoriques à l’étude de l’impact de la pensée socialiste sur le mouvement de libération nationale] (Beyrouth : Dar al-Farabi).

10. Amel, M. (1986) Fi Al-Dawla al-Ta’ifiyya [Sur l’État confessionnel] (Beyrouth : Dar al-Farabi), p.24.

 

 

12/01/2022

MEDEA BENJAMIN/NICK DAVIES
Hé, les USA ! Vous avez largué combien de bombes aujourd'hui ?

Medea Benjamin et Nicolas J. S. Davies, CodePink, 10/1/2022
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Le Pentagone a enfin publié son premier Airpower Summary depuis l'entrée en fonction du président Biden il y a près d'un an. Ces rapports mensuels sont publiés depuis 2007 pour documenter le nombre de bombes et de missiles largués par les forces aériennes dirigées par les USA en Afghanistan, en Irak et en Syrie depuis 2004. Mais le président Trump avait cessé de les publier après février 2020, entourant de secret la poursuite des bombardements usaméricains.

Août 2021 : une frappe de drone US à Kaboul a tué 10 civils afghans. Photo : Getty Images

Au cours des 20 dernières années, comme le documente le tableau ci-dessous, les forces aériennes usaméricaines et alliées ont largué plus de 337 000 bombes et missiles sur d'autres pays. Cela représente une moyenne de 46 frappes par jour pendant 20 ans. Ce bombardement sans fin n'a pas seulement été mortel et dévastateur pour ses victimes, mais il est largement reconnu comme portant gravement atteinte à la paix et à la sécurité internationales et diminuant la position de l'USAmérique dans le monde.

Le gouvernement et l'establishment politique usaméricains ont remarquablement réussi à maintenir le public usaméricain dans l'ignorance des conséquences horribles de ces campagnes de destruction massive à long terme, ce qui leur a permis de maintenir l'illusion du militarisme usaméricain comme force du bien dans le monde dans leur rhétorique politique intérieure.

Aujourd'hui, même face à la prise de pouvoir par les talibans en Afghanistan, ils redoublent d'efforts pour vendre ce récit contrefactuel au public usaméricain afin de rallumer leur vieille guerre froide avec la Russie et la Chine, augmentant ainsi de façon spectaculaire et prévisible le risque de guerre nucléaire.       

Les nouvelles données Airpower Summary révèlent que les USA ont largué 3 246 bombes et missiles supplémentaires sur l'Afghanistan, l'Irak et la Syrie (2 068 sous Trump et 1 178 sous Biden) depuis février 2020.

La bonne nouvelle est que les bombardements usaméricains sur ces 3 pays ont considérablement diminué par rapport aux plus de 12 000 bombes et missiles qu'ils ont lâchés sur eux en 2019. En fait, depuis le retrait des forces d'occupation usaméricaines d'Afghanistan en août, l'armée US n'a officiellement mené aucune frappe aérienne dans ce pays, et n'a largué que 13 bombes ou missiles sur l'Irak et la Syrie - ce qui n'exclut pas des frappes supplémentaires non signalées par des forces sous le commandement ou le contrôle de la CIA.

Les présidents Trump et Biden ont tous deux le mérite d'avoir reconnu que des bombardements et une occupation sans fin ne pouvaient pas assurer la victoire en Afghanistan. La rapidité avec laquelle le gouvernement mis en place par les USA est tombé aux mains des talibans une fois le retrait usaméricain engagé a confirmé que 20 ans d'occupation militaire hostile, de bombardements aériens et de soutien à des gouvernements corrompus n'ont finalement servi qu'à ramener le peuple afghan, las de la guerre, sous la coupe des talibans.

La décision insensible de Biden de faire suivre 20 ans d'occupation coloniale et de bombardements aériens en Afghanistan par le même type de guerre de siège économique brutale que les USA ont infligée à Cuba, à l'Iran, à la Corée du Nord et au Venezuela ne peut que discréditer davantage l'USAmérique aux yeux du monde.

Il n'y a eu aucune demande de reddition de comptes pour ces 20 années de destruction insensée. Même avec la publication des Airpower Summaries, l'horrible réalité des guerres de bombardement usaméricaines et les pertes massives qu'elles infligent restent largement cachées au peuple usaméricain.

De combien des 3 246 attaques documentées dans l'Airpower Summary depuis février 2020 étiez-vous au courant avant de lire cet article ? Vous avez probablement entendu parler de l'attaque de drone qui a tué 10 civils afghans à Kaboul en août 2021. Mais qu'en est-il des 3 245 autres bombes et missiles ? Qui ont-ils tué ou mutilé, et quelles maisons ont-ils détruites ?